Burundi : le président Neva veut désengorger les prisons mais ses lieutenants ralentissent l’opération

Burundi : le président Neva veut désengorger les prisons mais ses lieutenants ralentissent l’opération

Le président burundais Évariste Ndayishimiye a lancé vendredi dernier à la prison centrale de Muramvya, l’opération de désengorger les prisons. Il a reconnu que les maisons d’arrêt sont surpeuplées dans son pays, ce qui constitue un fardeau pour le pays et les familles des détenus. La libération des prisonniers qui ont bénéficié de la grâce présidentielle devrait se poursuivre dans les autres prisons mais la majorité des bénéficiaires restent en détention. (SOS Médias Burundi)

Le président Neva a annoncé que la grâce accordée à certains prisonniers s’inscrit dans sa vision de « désengorger les prisons », une vision qu’il incarne depuis son accession anticipée au pouvoir en juin 2020 suite à la mort inopinée de Pierre Nkurunziza, son prédécesseur, a-t-il insisté.

« Pour être pardonné, cela signifie que tu as péché, on ne pardonne pas un innocent. C’est donc une opportunité offerte à nos frères et sœurs pour qu’ils se ressaisissent, qu’ils puissent changer… », a-t-il déclaré depuis la prison de Muramvya dans le centre du Burundi où la libération des premiers prisonniers a eu lieu.

Les prisonniers, un fardeau pour le pays et les familles des détenus

D’après le président burundais, les détenus constituent un fardeau pour leurs familles tout comme le pays. Il dit que la somme allouée aux prisons chaque année, est supérieure à un montant que le gouvernement a utilisé pour construire par exemple un centre régional d’enseignement de métiers pour jeunes.

« Imaginez ! Le centre régional multisectoriel que nous avons construit à Rusi a une valeur de 12 milliards de francs burundais. Il accueille 1080 apprenants internes », a-t-il révélé. Le centre de Rusi est installé en commune de Shombo dans la province de Karusi ( centre-est du Burundi). Selon le président Évariste Ndayishimiye, le gouvernement débourse près de 15 milliards chaque année pour prendre en charge les prisonniers. « Combien d’hôpitaux, combien d’écoles pouvons-nous construire en utilisant la même somme? » a questionné M. Ndayishimiye.

Mise en œuvre ralentie

Depuis vendredi dernier, les candidats à la grâce présidentielle ont été informés dans les différentes maisons pénitentiaires respectives de leur libération et priés de préparer leurs bagages.

Gitega

Dans la prison centrale de Gitega, capitale politique par exemple, les bénéficiaires de cette opération n’ont pas encore quitté leur cellule alors qu’ils attendent depuis vendredi après-midi.

« Les responsables de la prison ont dit qu’ils attendent l’équipe de la commission en charge de mettre en pratique la mesure pour qu’elle puisse amener les listes. Elle s’est rendue à Ruyigi ( est) d’abord », a appris SOS Médias Burundi lundi soir.

Bujumbura

À la prison centrale de Bujumbura dite Mpimba dans la ville commerciale, beaucoup de prisonniers n’ont pas eu l’autorisation de sortir de la prison alors qu’ils se trouvaient sur la liste des détenus à relâcher.

Un camion de la police prêt à ramener des prisonniers libérés à leurs communes d’origine © SOS Médias Burundi
Un camion de la police prêt à ramener des prisonniers libérés à leurs communes d’origine © SOS Médias Burundi

Vendredi dernier, le directeur de cette prison avait promis aux médias locaux qu’ils pouvaient aller couvrir l’événement. Mais le jour suivant, il a refusé à la presse locale d’assister à la libération des détenus de sa maison pour « dissimuler les irrégularités ».

Rumonge

En province de Rumonge ( sud-ouest), au moins 400 détenus doivent être libérés. Selon des informations reçues par SOS Médias Burundi et confirmées par des sources judiciaires, environ 190 prisonniers avaient été libérés jusqu’à ce dimanche.

Anecdote

Après sa libération, un certain Gérard Sindayigaya a été arrêté ce lundi au chef-lieu de Bururi (sud). Il avait volé le jour de son élargissement, une moto d’un prêtre. Il est détenu au cachot de la police au chef-lieu de Bururi. Gérard Sindayigaya est parmi les personnes qui ont reçu l’indulgence à la prison de Rumonge dite Murembwe ce dimanche.

Frais de mission

Selon nos sources, les membres de la commission en charge de la mise en œuvre de la grâce présidentielle ralentissent l’opération pour augmenter le nombre de jours et ainsi recevoir plus de frais de mission. D’où ils doivent passer à chaque prison pour observer les listes des prisonniers bénéficiaires du pardon présidentiel.

« C’est absurde. Pourquoi doit-on se rendre à toutes les prisons alors que les responsables des prisons disposent de toutes ces listes, eux qui sont les gestionnaires des maisons d’arrêt au quotidien. Aucune raison ne peut expliquer la présence des membres de la commission à chaque prison », analyse un journaliste burundais.

Les prisonniers qui sont concernés par cette mesure sont incarcérés pour des délits mineurs. Les 11 prisons de la petite nation de l’Afrique de l’est abritaient 13 211 individus jusqu’au 15 novembre dernier, jour du lancement de la campagne de grâce présidentielle. Selon le plan, 5442 prisonniers doivent en bénéficier, soit 41% de la population carcérale.

Les activistes ne cessent d’appeler le gouvernement burundais à « libérer les prisonniers politiques et d’opinion », ce que les autorités burundaises rechignent à écouter.

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Photo : une prisonnière reçoit des mains du président Évariste Ndayishimiye un billet d’élargissement © SOS Médias Burundi

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