Mahama (Rwanda) : le taux de rapatriement se réduit presqu’à 0%

Mahama (Rwanda) : le taux de rapatriement se réduit presqu’à 0%

Au plus fort des rapatriements en 2021, plus de 2000 réfugiés burundais prenaient la route du chemin retour mensuellement. Très récemment, ce ne sont que quelques 20 individus qui sont rentrés le mercredi 11 décembre 2024. Les raisons de cette lassitude sont diverses. (SOS Médias Burundi)

L’engouement pour le rapatriement volontaire depuis le Rwanda, plus précisément chez les occupants du camp de Mahama, qui compte plus de 41 mille réfugiés burundais, a fortement chuté.

« On ne parle même plus de rapatriement ici au camp, on a presque oublié ce vocabulaire qui était pourtant aux lèvres de tout le monde il y a deux ans », dit un Burundais de ce camp.

« Au plus fort moment de cet exercice en 2020 et 2021, il y avait deux convois chaque semaine et chacun ne comptait pas moins de 300 Burundais en provenance du camp de Mahama. A ce groupe s’ajoutaient des réfugiés urbains de Kigali et Bugesera ( Est du Rwanda) qui attendaient le convoi à la frontière de Gasenyi-Nemba. Le post était mouvementé les mardi et jeudi », se souvient un journaliste qui couvrait chaque jour ces rapatriements au poste frontalier du nord-Burundi et est-Rwanda.

Fort curieusement, ce mercredi 11 décembre 2024, ce n’est qu’un nombre ne dépassant pas 22 personnes qui était attendu pour rentrer au bercail, d’après une liste que SOS médias s’est procurée.

« Et même ces Burundais ne sont pas rentrés tous. Deux sont restés au Rwanda : une maman qui n’a pas voulu laisser son enfant qui étudie dans une école à régime d’internat… », rassure un réfugié burundais qui a tout suivi au camp de Mahama.

Qui sont rentrés ?

Ce sont soit des femmes qui ont laissé leurs maris au pays et leurs enfants ou encore ce sont des femmes qui se sont mariées au camp avant d’être abandonnées par leurs conjoints.

Un agent de l’immigration enregistre des anciens réfugiés qui rentrent au Burundi, le 21 février 2024 à Gasenyi-Nemba © SOS Médias Burundi

Un troisième petit groupe est constitué de ceux qui fuient la misère à cause de la catégorisation sociale pour recevoir de l’assistance au camp. Ces derniers sont essentiellement des jeunes gens ou célibataires sans famille au camp, explique un ancien chef communautaire.

Motifs

Les raisons de cette diminution du taux de rapatriement volontaire sont diverses.

D’après des sources administratives au camp de Mahama, les plus importantes sont liées à la situation au pays d’origine.

« Dans un premier temps, les tapages du gouvernement burundais et ses émissaires au camp ont convaincu un grand nombre de personnes. Elles sont rentrées dans les deux premières années du pouvoir du président Ndayishimiye », indiquent nos sources.

« Et quand elles sont parties avec les promoteurs du mouvement, le camp est redevenu presque calme », ajoutent-elles.

« Pour dire que ceux qui restent au camp craignent réellement pour leur sécurité », renchérit un membre du comité des sages, ancien chef local.

Les rapatriés ont ensuite envoyé « un mauvais message » à leurs compatriotes qui sont restés au camp.

« On leur a promis des merveilles mais quand ils sont arrivés sur leur colline d’origine, ils n’ont rien eu : pas d’habitat durable, pas d’assistance trimestrielle, pas de semences, pas d’engrais chimiques, certains ont trouvé leurs terres cultivables occupées, .. », ont appris ceux qui sont restés au camp de Mahama.

« A cela s’ajoutent des persécutions politiques comme quoi les rapatriés viennent d’un camp ‘militaire’ et non pas d’un site de réfugiés à Mahama…Certains ont été tués, d’autres restent emprisonnés », soulignent des sources à Mahama.

La vie chère au Burundi a aussi joué un grand rôle dans le rétrécissement du rapatriement volontaire.

« Comment rentrer dans un pays où tu ne pourras pas vaquer à tes activités, un pays qui connaît une crise généralisée. Il est vrai qu’ici au camp, la misère bat son plein, mais tout au moins on est calme et on ne meurt pas de faim », laissent entendre des
réfugiés burundais qui se sont confiés à SOS Médias Burundi.

A part le camp de Mahama, les réfugiés urbains sont connus pour leur caractère non réceptif au rapatriement volontaire, étant donné qu’ils sont constitués essentiellement d’intellectuels et de ceux qui étaient impliqués presque directement aux manifestations de 2015, contre un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza.

Une réfugiée reçoit le drapeau burundais de la part du premier ministre Gervais Ndirakobuca, alors ministre en charge des affaires intérieures, comme signe d’accueil sur le territoire burundais, août 2020 © SOS Médias Burundi

Le HCR n’a pas encore réagi à ce ralentissement de rapatriement de masse des réfugiés burundais. Mais l’on a appris que les convois sont actuellement prévus une fois les trois mois.

Pourtant, un des leaders communautaires au camp de Mahama se rappelle qu’il venait de passer « plus de cinq mois, voire même plus » sans entendre parler de rapatriement dans ledit camp.

« Ceux qui sont rentrés ce mercredi sont les seuls en tout cas pendant les six derniers mois, à ce que je sache », dira-t-il.

Selon les chiffres du HCR au 31 octobre 2024, le Rwanda abrite encore près de 50.000 réfugiés burundais dont plus de 41 mille hébergés au camp de Mahama situé plus à l’est, non loin de la frontière avec la Tanzanie.

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Photo d’archives : les bus transportant les réfugiés Burundais en provenance du camp de Mahama, le 27 août 2020

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