Tanzanie : l’ONU très préoccupée par des violations des droits de réfugiés burundais

Tanzanie : l’ONU très préoccupée par des violations des droits de réfugiés burundais

Des experts des droits de l’homme des Nations Unies ont rendu public un rapport sur la situation des droits des réfugiés burundais vivant en Tanzanie. Ils déplorent des cas de disparitions forcées, de torture, de retours forcés et d’intimidation commis contre les réfugiés burundais. Le rapport cite notamment les gouvernements tanzanien et burundais d’être responsables de ces exactions. (SOS Médias Burundi)

D’après le rapport, la police et les services de renseignement tanzaniens, en coopération avec les services de renseignement burundais, auraient procédé à des arrestations arbitraires et des disparitions forcées. “Outre la politique stricte de maintien des réfugiés dans les camps, imposée par le gouvernement tanzanien, les réfugiés et demandeurs d’asile burundais vivent désormais dans la crainte d’être enlevés au milieu de la nuit par les forces de sécurité tanzaniennes et emmenés vers un lieu inconnu ou d’être renvoyés de force au Burundi”, ont indiqué ces experts.

Le rapport souligne que des opposants politiques burundais auraient été traqués parmi la population réfugiée et demandeuse d’asile en Tanzanie. “La situation en matière de sécurité dans les camps semble extrêmement compromise au vu des informations selon lesquelles des agents de renseignement burundais se faisant passer pour des réfugiés dans les camps identifient des individus spécifiques qui sont ensuite arrêtés par les forces de sécurité tanzaniennes”, lit-on dans le rapport. “Le gouvernement du Burundi doit mettre fin à la répression contre ses propres citoyens, y compris ceux qui demandent une protection internationale en Tanzanie”, ont insisté les experts onusiens.

Refoulement ou rapatriement forcé …

Des réfugiés ont confirmé aux experts de l’ONU avoir été arrêtés par la police tanzanienne, soumis à des disparitions forcées pour certains et à la torture pour les autres avant d’être refoulés ou contraints de signer pour un « retour volontaire ». “Certains ont été interrogés sur leur affiliation présumée à des groupes armés et sur la possession d’armes, sur leurs activités dans les camps, et dans certains cas, on leur a demandé de l’argent pour les libérer”, ajoutent les experts du haut commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme. “Nous sommes extrêmement alarmés par les informations selon lesquelles certains réfugiés burundais auraient été tués après avoir été enlevés par les forces de sécurité tanzaniennes”, s’alarment-ils.

Des réfugiés burundais sur une place publique dans le camp de Nduta
Des réfugiés burundais sur une place publique dans le camp de Nduta

Le rapport mentionne que l’inquiétude est croissante quant à la sécurité des Burundais qui finissent par être rapatriés par peur plutôt que par volonté réelle de retourner dans leur pays d’origine. “Il est extrêmement décourageant que depuis que le gouvernement a annoncé en août 2020 qu’une enquête sur les disparitions forcées était en cours, aucun résultat n’a encore été rendu public”, ont déclaré les experts avant d’affirmer que “le gouvernement tanzanien est conscient de la situation et doit prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser immédiatement ces violations ».

Confirmation des concernés

D’après une ONG de défense des droits des réfugiés, les chiffres sont alarmants, ne fusse que pour le premier trimestre de 2021. “Nous avons pu identifier neuf réfugiés burundais tués. Sept étaient du camp de Nduta et deux de celui de Nyarugusu. Deux corps de Burundais ont été retrouvés tout près d’une position policière à Nduta. On a aussi répertorié six cas de disparitions forcées, trente quatre demandeurs d’asile refoulés et au moins trente cas d’arrestations arbitraires de réfugiés ”, souligne Léopold Sharangabo, vice-président de la CBDH/VICAR, une coalition des défenseurs des droits des réfugiés vivant dans les camps.

Cette ONG pointe du doigt des individus venus du Burundi qui opèrent aux côtés des forces de l’ordre tanzaniennes. “Il s’agit des femmes et des hommes membres de force de défense et sécurité qui proviennent du Burundi. Des hommes à main armée ont été vus dans les camps de réfugiés de Nduta et Nyarugusu en Tanzanie”, a déclaré Léopold Sharangabo.

La CBDH/VICAR note aussi plusieurs mesures contraignantes. “Destruction des stands et marchés, interdiction de toute activité génératrice de revenus dans les camps, interdiction du transport rémunéré sur vélo ou moto, interdiction de toute activité agricole, intimidations pour rentrer au Burundi,…”, dénonce la CBDH/VICAR.

Le grand marché de Nyarugusu
Le grand marché de Nyarugusu

Cette ONG a aussi recensé des cas de violations des droits des réfugiés dans sept autres camps dans les pays qui ont accueilli les réfugiés burundais depuis 2015. Il s’agit de Nakivale en Ouganda, Mahama au Rwanda, Kakuma au Kenya, Mulongwe et Lusenda en RDC, Meheba en Zambie et Dzaleka au Malawi.

Le HCR fait presque le même constat

En décembre 2020, contacté, le HCR a confirmé être au courant des abus que subissent des Burundais en Tanzanie. “Alors que le HCR estime que la grande majorité des réfugiés qui sont rentrés dans le cadre des procédures de rapatriement volontaire assisté ont fait le choix éclairé de le faire, à divers moments, le HCR a constaté une pression importante sur les réfugiés burundais en Tanzanie pour qu’ils s’engagent au rapatriement librement consenti”, a fait savoir Tina Ghelli, Conseillère principale en communication au Bureau régional du HCR pour l’Est, la Corne et les Grands Lacs en Afrique. “Nous craignons que certains aient eu le sentiment de n’avoir pas d’autre choix. Le HCR entreprend des évaluations volontaires avant le départ dans le cadre des efforts visant à garantir que le retour est volontaire”, avait-elle souligné.

Le HCR dit ne pas être responsable de ces exactions. “Non. Le HCR n’a pas suspendu les services dans les camps. Le gouvernement tanzanien a imposé des restrictions – telles que l’interdiction de la construction de nouveaux abris, le non remplacement d’abris délabrés et la fermeture des marchés et des restrictions sur les activités de subsistance”, a répondu la Conseillère principale en communication du Bureau régional du HCR à Nairobi, soulignant que “le HCR a, à plusieurs reprises fait part de ses préoccupations au gouvernement tanzanien concernant ces mesures qui causent des difficultés excessives aux réfugiés dans les camps”.

Des enfants devant une maisonnette à Nyarugusu
Des enfants devant une maisonnette à Nyarugusu

Au début de cette semaine, la Tanzanie a indiqué qu’elle considère les camps de réfugiés burundais comme des “foyers d’insécurité”. “Ces camps de réfugiés burundais sont des foyers d’insécurité. Au tour de ces camps, on enregistre des cas de tuerie, de vol, de viol et de bandes armées et de destruction de l’ environnement.. Vous voyez qu’on ne peut plus tenir avec tout ça,”a rigoureusement indiqué Sudi Mwakibasi, directeur du service des réfugiés au ministère tanzanien de l’​Intérieur sur le terrain de la zone 10 au camp de Nyarugusu.

Il était dans une visite officielle de haut niveau, lundi 12 avril 2021, au camp de Nyarugusu en Tanzanie. Plus de 296.000 réfugiés burundais sont installés dans sept pays de la sous-région dont plus de 146.000 en Tanzanie.

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Photo : vue du camp de Nduta

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