Tanzanie : les abus contre des réfugiés burundais préoccupent l’UA
La Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples a rendu public un rapport accablant sur les violations des droits des réfugiés burundais en Tanzanie. Elle dénonce des disparitions forcées, des arrestations arbitraires, des tueries et des restrictions aux droits élémentaires. L’Union Africaine appelle le pays hôte à se ressaisir. Le HCR, lui aussi fait le même constat. (SOS Médias Burundi)
La Rapporteuse Spéciale sur les réfugiés , les demandeurs d’asile, les déplacés internes et les migrants en Afrique de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, est particulièrement préoccupée par la situation de réfugiés burundais en Tanzanie.
Au cours des derniers mois, elle affirme avoir reçu de nombreux rapports faisant état de manœuvres d’intimidation à l’endroit des réfugiés burundais afin de les pousser à quitter le pays.
“Il y aurait des cas de disparitions forcées dans certains camps de réfugiés burundais qui sont extrêmement préoccupants et qui constituent des atteintes à l’intégrité des personnes et qui compromettent la sécurité des camps et des communautés d’accueil”, explique Maya Sahli-Fadel.
La Rapporteuse spéciale rappelle que le droit d’asile et le principe de non-refoulement ne doivent pas être compromis. “L’octroi du droit d’asile aux réfugiés constitue un acte pacifique et humanitaire et ne peut être considéré par un État comme un acte de nature inamicale. Ainsi, aucun réfugié ne peut être soumis par un État membre à des mesures telles que le refus d’admission à la frontière, le refoulement ou l’expulsion qui l’obligeraient à retourner ou à demeurer dans un territoire où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté seraient menacées”, relate la rapporteuse de l’Union Africaine.
Elle dénonce les pressions de plus en plus fortes que subissent les réfugiés burundais en vue de provoquer des départs forcés ou expulsions.
Elle demande au gouvernement tanzanien de coopérer avec le HCR en ce qui concerne la prise en charge des réfugiés burundais ainsi que leur retour volontaire conformément aux conventions internationales qui disposent que “le caractère essentiellement volontaire du rapatriement doit être respecté dans tous les cas et aucun réfugié ne peut être rapatrié contre son gré”.
Le HCR fait le même constat
Contacté, le HCR a confirmé être au courant des abus que subissent des Burundais en Tanzanie. “Alors que le HCR estime que la grande majorité des réfugiés qui sont rentrés dans le cadre des procédures de rapatriement volontaire assisté ont fait le choix éclairé de le faire, à divers moments, le HCR a constaté une pression importante sur les réfugiés burundais en Tanzanie pour qu’ils s’engagent au rapatriement librement consenti”, a fait savoir Tina Ghelli, Conseillère principale en communication au Bureau régional du HCR pour l’Est, la Corne et les Grands Lacs en Afrique.
“Nous craignons que certains aient eu le sentiment de n’avoir pas d’autre choix. Le HCR entreprend des évaluations volontaires avant le départ dans le cadre des efforts visant à garantir que le retour est volontaire”, souligne-t-elle.
L’Union Africaine a aussi fait part de son indignation face à des violations des droits économiques des réfugiés. “D’autres rapports font état des menaces d’expulsion par le gouvernement tanzanien, la fermeture et la destruction des marchés dans les camps, l’imposition des restrictions à leurs activités commerciales, ainsi que l’accès aux différents services et la liberté de circuler”, a déclaré la rapporteuse de la commission des droits de l’homme et des peuples de l’UA.
Le HCR se lave les mains et rejette la responsabilité au gouvernement tanzanien. “Non. Le HCR n’a pas suspendu les services dans les camps. Le gouvernement a imposé des restrictions – telles que la construction de nouveaux abris, le non remplacement d’abris délabrés et la fermeture des marchés et des restrictions sur les activités de subsistance”, répond la Conseillère principale en communication du Bureau régional du HCR à Nairobi, soulignant que “le HCR a, à plusieurs reprises fait part de ses préoccupations au gouvernement tanzanien concernant ces mesures qui causent des difficultés excessives aux réfugiés dans les camps”.
L’UA et le HCR demandent aux autorités tanzaniennes de mettre un terme à toute manœuvre d’intimidation visant le refoulement des réfugiés burundais.
La CBDH/VICAR se dit satisfaite que les violations des droits des réfugiés soient portées au plus haut niveau de la communauté internationale.
“Nous remercions la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’UA pour avoir fait ce constat amer. Human Rights Watch en avait aussi déjà fait écho. Nous avons aussi écrit à l’office des droits de l’homme de l’ONU. Donc, c’est pour nous un grand pas que ces organisations internationales se soient déjà appropriées des malheurs de ces réfugiés. C’est aussi un bon signe vers le redressement de la situation”, a réagi Léopold Sharangabo, vice président de la coalition des défenseurs de droits de réfugiés vivant dans des camps.
M. Sharangabo demande plutôt à l’UA de porter l’affaire devant des juridictions compétentes. “La Tanzanie maltraite les réfugiés depuis 2018. Il y a eu des morts, des disparitions forcées, des arrestations arbitraires et des déportations car l’on compte déjà cette année plus 8 réfugiés qui sont emprisonnés au Burundi. Cela en violation de plusieurs conventions et traités internationaux de l’ONU et de l’UA qui protègent les réfugiés que ce pays a ratifiés. Nous demandons à la commission de l’UA de saisir la cour africaine des droits de l’homme et des peuples afin que la Tanzanie puisse répondre de ses actes ignobles”, souhaite-t-il.
Le directeur général tanzanien en charge des réfugiés a clairement indiqué que son pays n’a pas besoin de voir des réfugiés burundais sur son sol à partir de fin 2021. Il l’a déclaré fin novembre lors d’une tournée qu’il a effectuée dans trois camps abritant des Burundais. “La Tanzanie ne veut plus garder les réfugiés burundais sur son sol. Et d’ailleurs, il faut qu’à la fin de 2021, vous seriez tous chez vous”, a-t-il répété, mot par mot, dans les camps de Nduta, Nyarugusu et Mtendeli.
Cette situation a poussé les représentants des réfugiés burundais à écrire au secrétaire général des Nations-Unies, au haut-commissariat pour les réfugiés et au directeur exécutif de Human Rights Watch pour demander une réinstallation dans un autre pays.
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Photo : des réfugiés burundais sur une place publique dans le camp de Nduta
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