Burundi : la CNIDH résiste à son agonie
La Commission nationale indépendante des droits de l’homme au Burundi, CNIDH, assure avoir introduit son recours pour tenter de recouvrer son statut A qu’elle perd à l’horizon. Elle a présenté des cas des prisonniers politiques, des activistes et des journalistes qu’elle a suivis pour affirmer son indépendance. C’est au moment où son statut « A » réservé aux Commissions nationales qui ont prouvé leur impartialité par rapport aux pouvoirs en place lui a été retiré par les Nations-Unies et leurs partenaires. (SOS Médias Burundi)
La liste des éléments à décharge déposée par Sixte Vigny Nimuraba, président de la CNIDH, est en tout cas longue.
Elle renferme des cas d’opposants politiques et des journalistes qui ont été libérés grâce aux activités de monitoring, aux enquêtes et au plaidoyer menés par la commission.
« Une trentaine de cas de prisonniers pour cause politique, avec tous les détails mis sur dix pages, essentiellement des membres du parti CNL. Pas mal de Journalistes des organes de presse Iwacu, Bonesha FM, Isanganiro et la saisine de la BBC ont été soit libérés ou ont vu leurs droits rétablis après l’intervention de la CNIDH», a expliqué M. Nimuraba dans un point de presse y relatif ce lundi dans la ville commerciale Bujumbura.
Pour lui, les interventions de la CNIDH devraient plutôt être reconnues.
« Pour dire que les évaluateurs, s’ils sont objectifs, devraient s’en inspirer pour constater si la commission a vraiment fourni un effort et ne pas prendre une telle décision mal intentionnée », a-t-il ajouté.
La CNIDH a donc saisi des instances habilitées que sont le conseil onusien des droits de l’homme et l’alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme pour «reconsidérer la décision et lire objectivement les raisons que nous avons avancées ».
La décision à laquelle s’oppose farouchement l’organe burundais des droits de l’homme est celle prise par le sous-comité d’accréditation des Institutions nationales des droits de l’homme, INDH.
C’est après un processus qui a commencé en 2023 et qui pointe le manque d’indépendance de la CNIDH-Burundi, la minimisation des graves violations des droits de l’homme commises dans le pays, ou encore l’absence de coopération de cette institution avec le Haut-commissariat aux droits de l’homme et les commissions d’enquête sur ces violations.
De l’autre côté, le rapporteur spécial onusien sur le Burundi et plusieurs organisations burundaises, africaines et européennes des droits humains avaient saisi le Conseil onusien des droits de l’homme et l’alliance des commissions nationales pour rétrograder l’organe burundais.
Conclusion en mai dernier : « la CNIDH a ainsi perdu à deux reprises le statut A , en moins de six ans, une décision qui devra entrer en vigueur après une année ».
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« Nous avons déjà saisi ces organes pour contester cette décision, nous comptons continuer notre élan de défense des droits humains pour séduire leur attention, y compris les droits économiques, socio-culturels et nous allons faire ce combat avec d’autres commissions africaines qui compatissent avec nous », rassure le président de la controversée Commission des droits humains au Burundi.
Il invite aussi les instances de l’ONU à mener des consultations approfondies pour « être objectives».
« C’est étonnant ! Il se peut qu’on a consulté personne ici au Burundi, aucune ambassade européenne et africaine n’a été consultée, aucune organisation de la société civile ou à notre connaissance des médias connus, ce qui est un peu anormal », s’étonne Sixte Vigny Nimuraba.
Sinon, s’interroge-t-il, «Comment pouvons-nous être sollicités pour aller former d’autres commissions au Mali, au Gabon, en Centrafrique et au Cameroun alors que nous ne sommes pas un modèle aux yeux de ces évaluateurs ? Dans ce cas, comment pouvons-nous être d’un côté rétrogradé, et de l’autre invité à intervenir pour aider les commissions qui sont en train de retrouver leur statut A ?»
Mais, pour ses détracteurs, la commission burundaise mérite le châtiment.
«La CNIDH a continué à s’opposer aux défenseurs des droits humains, tout en tentant de dissimuler les crimes graves commis, la CNIDH n’a jamais attesté l’implication des agents gouvernementaux dans des affaires de disparitions forcées », a récemment constaté Maître Armel Niyongere, président de l’organisation ACAT-Burundi, qui a milité pour cette mesure disciplinaire contre la CNIDH.
Et cet activiste en exil de relever : « La commission ne méritait pas d’être au statut A. La commission n’est pas du tout indépendante. Dans ses rapports, elle dit que tout va bien, qu’il n’y a pas de violations des droits de l’homme, alors qu’il y avait des rapports des Nations-Unies, des organisations de la société civile qui montraient qu’il y a eu des violations graves des droits de l’homme ».
Pourtant, la CNIDH s’étonne d’entendre « ses collaborateurs » tenir de tel langage et maintenir de telles accusations.
« Pour nous, on croyait que nous devons mener une même lutte car la CNIDH les consulte de temps à autre. On a jamais fait de discrimination en rapport avec la coopération, toute personne en exil ou pas, qui détient l’information sur la violation des droits humains est la bienvenue. Et nous avons fourni des preuves aussi dans notre recours », souligne Sixte Vigny Nimuraba.
Nimuraba finit par estimer qu’il y a « un non-dit » derrière ces agissements des activistes en exil. Il dit ne pas comprendre pourquoi « les évaluateurs les écoutent ».
Autre point de discorde, la production de rapports « biaisés, qui n’ont jamais montré des chiffres exacts des cas de violations et de torture, ou alors nié carrément toute violation ».
Sur ce point, la CNIDH est claire.
«Personne ne nous dicte ce que nous devons mettre dans nos rapports qui ne sont pas d’ailleurs des fois bien vus par les pouvoirs publics », nuance M.Nimuraba.
Il se dit confiant et espère gagner la bataille en mai 2025 quand la relégation de la CNIDH au statut B devra être entérinée.
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Photo : Sixte Vigny Nimuraba, président de la CNIDH qui a introduit le recours contre la rétrogradation de sa commission
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