Burundi : l’exécution de la grâce présidentielle décriée par les prisonniers et les associations

Burundi : l’exécution de la grâce présidentielle décriée par les prisonniers et les associations

Lancée le 14 novembre dernier, l’opération de désengorger les prisons se poursuit dans certaines provinces ou a été clôturée – des fois prématurément. Les prisonniers et associations locales dénoncent une « activité entachée de beaucoup d’irrégularités » et demandent au bureau du président Ndayishimiye de s’impliquer lui-même pour les corriger. (SOS Médias Burundi)

Sur les 5442 prisonniers qui devraient bénéficier de la grâce présidentielle, la prison centrale de Bujumbura dite Mpimba était censée en fournir 2800, avait annoncé la commission en charge de la mise en œuvre du pardon présidentiel.

Les premiers bénéficiaires ont été informés le 16 novembre, a appris SOS Médias Burundi. Mais des prisonniers disent qu’ils ne comprennent pas comment des gens qui se trouvaient sur la liste des détenus à relâcher restent en détention.

« Les membres de la commission sont venus ici, ils ont lu les noms des prisonniers à libérer. C’était le 16. Mais jusqu’à présent, la majorité d’entre eux restent en détention », déplorent des détenus.

Clôture prématurée

À Mpimba, les messagers du président Ndayishimiye avaient annoncé que l’opération devrait se clôturer le 27 novembre. Mais les derniers prisonniers amnistiés, ont été libérés ce 23 novembre.

« Nous avons été très surpris d’apprendre que l’opération prenait fin ce samedi alors qu’il devrait s’étendre jusqu’au 27. On se demande qui contrôle qui entre le président et l’équipe qu’il a mandatée pour libérer les prisonniers qu’il a pardonnés », se désole un détenu qui n’a pas pu sortir de prison alors qu’il se trouvait sur la liste des bénéficiaires.

1200 personnes ont été libérées à la prison de la capitale économique. Toutefois, la commission avait déclaré qu’elles étaient estimées à 2800 à cette maison d’arrêt.

Cri des associations

L’Association de lutte contre le chômage et la torture, ALUCHOTO, a suivi de près l’opération de désengorger les prisons. Elle dénonce une activité émaillée de beaucoup d’irrégularités.

« [….] Nous avons relevé plusieurs irrégularités: il y a des personnes qui n’ont pas été libérées alors qu’elles se trouvaient sur les listes des bénéficiaires de cette mesure, certains détenus ont été informés que leurs dossiers n’ont pas pu être retrouvés, d’autres ont été obligés de donner l’identité des autorités à la base dans leur colline d’origine. Ce sont des irrégularités qui constituent un obstacle à la mesure du chef de l’État », a dit à SOS Médias Burundi Vianney Ndayisaba, le représentant de cette organisation locale.

Il salue une mesure salutaire mais regrette qu’elle n’ait pas pu prendre en compte « les prisonniers politiques ».

Dans plusieurs prisons, l’ALUCHOTO a constaté un fait étrange : deux sur trois détenus qui partagent un même dossier ou un prisonnier sur trois qui ont été condamnés pour les mêmes délits, ont été libérés, le reste du groupe restant maintenu en prison.

Vianney Ndayisaba accuse les membres de la commission d’avoir trompé le président pour leurs propres intérêts. Il trouve incompréhensible que des prisonniers qui ont purgé leur peine ne bénéficient pas de la grâce présidentielle alors que des personnes poursuivies pour des crimes économiques en jouissent. « Des corrections s’imposent ».

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Selon nos sources, les responsables des prisons sont comme des  » spectateurs » dans ce processus. Les membres de la commission se rendent aux prisons respectives, munis de listes des détenus à libérer, appellent les concernés un à un, délivrent des billets d’élargissement sans que les directeurs de prisons ne soient impliqués. « Ils partent même avec les souches des billets d’élargissement ».

L’ALUCHOTO et des prisonniers demandent à la Commission nationale en charge des droits humains, CNIDH et au bureau du président Ndayishimiye de s’impliquer, pour que les irrégularités soient corrigées. Une porte-parole du président Ndayishimiye n’était pas disponible pour réagir à ces doléances. Mais SOS Médias Burundi a appris que le ministère en charge des droits de l’homme compte visiter toutes les prisons pour « analyser les cas des prisonniers mécontents ».

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Photo : un policier escorte des détenus à la prison de Muramvya dont des élèves poursuivis pour avoir gribouillé la photo de feu président Pierre Nkurunziza dans des manuels scolaires, juin 2016 © SOS Médias Burundi

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