Burundi : même l’abîme de la mort n’empêche pas Nkurunziza d’être loué par les siens
La chambre basse du Burundi a adopté ce jeudi un projet de loi instaurant la journée nationale dédiée au « guide suprême du patriotisme ». Un titre qui revient à feu président Pierre Nkurunziza, mort le 8 juin 2020 d’un arrêt cardiaque, selon le gouvernement. C’est chaque 8 juin qu’elle sera célébrée. (SOS Médias Burundi)
Le CNDD-FDD étant majoritaire à l’Assemblée Nationale, il a été seulement question de bénir le projet présenté par la ministre de la justice Jeanine Nibizi. Elle a expliqué les raisons qui ont poussé le gouvernement à présenter ce projet pour modification. « Il était mentionné que c’est lui qui devra présider cette journée ce qui est impossible car il n’est plus. L’autre chose c’est la volonté politique. La journée était prévue au départ pour juillet mais nous voulons qu’elle soit organisée en juin pour qu’il y ait une mémoire pour cette personne aussi importante dans notre pays le Burundi. En grande partie c’est l’article 4 qui parlait de ça », a dit aux députés Madame Nibizi.
Le projet a été adopté à plus de 76%. Mais pour l’opposant éternel du CNDD-FDD, Nkurunziza ne devrait pas être propulsé à ce titre. « Ce titre de guide suprême est très difficile à adopter en tenant compte de la définition du mot car en Français on dit que c’est une personne qui accompagne pour montrer le chemin, servir de guide à quelqu’un ou celui ou celle qui conduit d’autres personnes dans la vie des affaires etc. Comment peut rester guide celui qui fût président Nkurunziza? Deuxièmement, je pense que ce projet est venu en catimini suite aux circonstances. La constitution qui a été abolie ne renferme plus la disposition conférant aux anciens chefs d’État le statut de sénateur à vie. Pour moi la seule motivation de ce projet était lié au fait que Pierre Nkurunziza a pris la décision de ne pas se présenter aux présidentielles en 2020. Si vous voulez qu’il garde cet honneur, ne serait-il pas bon d’inclure cette journée dans celle de l’indépendance car s’il faut penser au patriotisme, il faut penser à toutes ces personnes qui se seraient démarquées. Il n’y a pas plus grand acte patriotique que celui de rechercher l’indépendance du Burundi », a tenté de persuader Agathon Rwasa.
Mais plusieurs députés à l’instar de Martin Nivyabandi qui a occupé différents portes feuilles sous Nkurunziza ne l’entend pas de cette oreille. « Cela ne peut en aucun cas dépendre de la mort ou l’existence de quelqu’un. Il était exemplaire. Depuis la fin de la période coloniale, le Burundi n’a jamais connu un homme comparable à Nkurunziza quand on considère son comportement et ses oeuvres […]. Il a réconcilié les Burundais non seulement en paroles mais lui-même l’a pratiqué. Il nous a fait cracher le venin de l’extrémisme. Ça ne dépend pas de cette chair, ce sont ses opinions, ses actes que nous honorons », a-t-il dit.
Et de comparer, « Même dans d’autres pays comme en Tanzanie, Nyerere n’est plus là mais il reste une référence nationale. Quand on va en Chine et parle de Mao Zedong, il n’y a personne d’autre qui l’égale », a insisté celui qui partage les mêmes valeurs chrétiennes que feu Nkurunziza.
Évoquant son amour à la jeunesse, ses actes de réconciliation et sa bravoure, beaucoup d’autres députés du CNDD-FDD ont abordé dans le même sens que M. Nivyabandi allant jusqu’à à demander que des dictons de Nkurunziza soient enseignés dans des centres pour jeunes.
Aucun autre Burundais n’avait jusqu’à présent été propulsé à ce titre, même le prince Louis Rwagasore, héros de l’indépendance dont Nkurunziza a décidé en juillet 2019 de changer le nom d’un stade international qui portait son nom. L’ancien président et président du conseil des sages du parti au pouvoir reste aussi à ce jour « guide suprême permanent » du CNDD-FDD.
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Photo : Pierre Nkurunziza promulguant la loi l’élevant au rang de « Guide Suprême du Patriotisme », quelques semaines après que le parlement ait voté en sa faveur.
